Jean Marc Larhantec – Artiste peintre.
Autodidacte, créatif, volubile, sensible, curieux, désespérément amoureux de
David Bowie, des années rock et du cinéma de Lynch et Gondry ; telles sont, entre autre,
les qualités de Jean-Marc Larhantec.
De son nom, déjà, on devine; les paysages bruts de sa Bretagne natale, la solitude, les
côtes granitiques, la puissance, l’abnégation devant les éléments, la natation, l’eau, la
sincérité. De la géographie nait l’esprit. L’âpreté, le dentelé des côtes Brestoises, le choix
du secret qui cache au fond, une grandeur d’âme et d’humilité.
Solitaire. C’est ce qui pourrait éventuellement caractériser son enfance. Si tant est
qu’une enfance puisse être réduite à un adjectif.
Issu d’une famille classique, sans grande appétence pour l’art en général, il s’abreuve de
film et de musique dans la pénombre de sa chambre. Space Odyssée est une révélation.
Oui, il y a des gens qui savent créer. Il sera de l’un d’eux. C’est certain. Sa famille est
contre. Des études de cinéma ? C’est non ! Qu’importe, il ira quand même. Admis à
l’ESRA – il s’adonne à la réalisation, aux techniques de storytelling et de dessin. Il touche
aussi à la musique, joue dans un groupe de rock. C’est le temps des études, de la
découverte, dans un milieu où l’expérimentation est valorisée. Débute alors sa carrière
pro. Assistant réalisateur pour des clips musicaux, il passe ensuite à la communication et
la publicité. On est dans les années 90. Internet pointe le bout de son nez. Il saisit sa
chance et se retrouve propulsé, jeune et brillant créatif dans le milieu des grande agence
de com. S’en suit une course poursuite entre Paris, Londres, Marseille et Amsterdam,
entre gagner des concours, vivre vite, faire la fête, trouver des idées, surfer sur la vague
Web balbutiante, devenir associé, monter sa boite, remporter des marchés.
Et un jour, devenir père. L’envie de créer, s’installe. Les pinceaux refont surface et
sortent du placard où ils étaient consignés, faute de temps. Il teste, tâtonne, tente.
Change de cap ; sort du milieu vaniteux des chargés de « com » pour créer du concret :
c’est la période Hédonist Spirit. Jean Marc Larhantec lance avec succès une société de
spiritueux. Il fabrique, s’émeut de la réalité tangible de la création, fonde une famille,
s’installe à Bordeaux. Les enfants grandissent, son désir de peindre revient en force, et
puis il se sépare de la mère de ses enfants. Il faut parfois être bousculé pour s’autoriser à
être soi. Le temps désormais, il en possède. Privé de la vie de famille, la solitude revient.
Un jour, un élan le pousse à aller s’équiper. Il ressort de chez Boesner avec des dizaines
de toiles, des pinceaux, de la peinture. Rien n’est réfléchi ou calculé, il peint comme lui,
avec force et sincérité, par envie, par instinct. De ce moment, il ne s’arrêtera plus,
passant de formats moyens aux grandes toiles, éminemment prolifique, travaillant à une
série d’une quinzaine de toiles en 1 mois, se moquant éperdument de ce que les autres
vont penser, car ces œuvres n’avaient pas à l’origine la vocation d’être exposées, ni
même vendues. Un jour, il se fait découvrir, par hasard, par une connaissance qui passe
chez lui, et qui appelle une amie galeriste. C’est le début. Sa toute première exposition à
la galerie Pia-Pia aux Chartrons à Bordeaux, qu’il vit un peu hébété, comme si tout cela
n’était qu’un tour du destin ; il vend tout en 2 jours, c’est un succès immédiat.
Sa peinture est comme lui. Instinctive, intuitive et structurée.
Réminiscence de son passé de Directeur Artistique, Jean-Marc Larhantec travaille la
composition, les perspectives, les lignes de fuite… les œuvres sont d’abord construites.
Un fond est travaillé en aplat de couleur, généralement monochrome, sur lequel sont
disposées des figures géométriques. Cercles, triangulations, diagonales, espaces négatifs,
les formes structurent la toile, la fragmentent, lui donne vie, apportent de l’équilibre et
de la vitesse. Après avoir travaillé sa trame, vient l’instinct. Sensible, ce qu’il souhaite
avant tout, c’est susciter une émotion ; alors comme dans écriture automatique, il laisse
son inconscient parler à sa place, c’est la surprise du geste, des coulures, des pinceaux,
des éclaboussures. La libération du geste pictural, permet ainsi de développer dans ses
œuvres un lyrisme géométrique.
Au niveau formel, la trame du fond est travaillée à la truelle, la masse est compacte ;
peinture à l’acrylique et plâtre se mélangent, pour apporter de la matière, du relief, de la
densité organique ; et puis, plus on remonte à la surface de ses toiles, plus la couleur se
fait liquide, éclaboussée.
Œuvre dichotomique par excellence, construit/intuitif ; pleins/négatif ;
géométrique/organique, la polysémie des peintures de Jean-Marc Larhantec est
évidente.
Quand on analyse sa palette chromatique, on pense directement à la Bretagne de son
enfance : bleus nuits, noirs granitiques, kaki de la lande, gris de la grève, rehaussé par
ces touches de blancs, tels des paysages brumeux fantomatiques, rappelant aussi les
teintes des œuvres primitives de Soulages.
Fortement attaché à la pensée philosophique Constructiviste, cherchant l’harmonisation
des hommes et du monde, on se doit de l’inscrire dans cet héritage ; héritage qu’il vient
troubler par un élan pulsionnel dans l’action picturale spontanée, rappelant
irrémédiablement l’expressionnisme abstrait. Ses œuvres devenant ainsi, un trait
d‘union entre deux courants idéologiquement opposés dans l’histoire de l’art.
Mais plus que d’historicité, n’est-il pas plutôt question ici de musicalité ?
Profondément influencé par la musique, ses œuvres sont travaillées à la manière d’une
symphonie rock. Une ligne de base, une mélodie structurée que laquelle viendrait se
poser des notes dissonantes, comme un larsen qui bouscule une composition
harmonieuse. Pour preuve, l’utilisation d’un motif seriel : un bout de cercle, dont la
peinture est sillonné en coupure régulière, comme ratissée. Ne serait-ce pas là,
inconsciemment, la symbolique d’un vinyle ?
La création ex-niholo des œuvres de Jean-Marc Larhantec, est ainsi une analogie d’une
partition personnelle, subjective et intuitive.
Quand a l’intention, quelle est-elle ?
Je ne sais pas. Moi quand je peins, j’ai envie que les personnes qui voient mes toiles y
projettent ce qu’elle veulent. C’est ça que je trouve beau, la possibilité d’y voir des choses
différentes. Mais avant tout, j’aimerais créer quelque chose qui ressemble un peu à la vie. Il
y a des journées où c’est beau, c’est fluide, d’autre moments où il y a tout de même quelques
grincements par ci par là, mais la vie tout c’est de l’amour. Oui, je pense que c’est cela que
je veux donner. De l’amour.
Jessica Ballion-Ohana